« Ce sont des couchers de soleil, des lumières orangées, la solitude, les oiseaux… » : les marais salants en hiver dépeints par Nicolas François, guide touristique

Guide depuis dix ans à Terre de Sel (organisation de visites des marais salants), Nicolas François fait partie de ceux qui font vivre les marais toute l’année. Passée l’effervescence estivale et le ballet des paludiers, l’hiver révèle un paysage plus discret, presque secret. Une saison loin des regards, pendant laquelle les marais livrent un tout autre visage.

En hiver, le marais est le seul lieu qui bénéficie de visites guidées dans la presqu’île de Guérande.

Aujourd’hui, la saison de récolte est finie : qu’y a-t-il à voir dans les marais salants, en l’absence des paludiers ? 

Il y a deux choses à voir. D’abord la période d’entretien, avec la préparation du marais : curage des canaux d’irrigation et des réservoirs, préparation de la saline… Et puis on peut voir le marais sous un autre angle : celui de la vie et de la nature. On voit des aigrettes chasser, des oiseaux passer… Le marais reste vivant grâce aux oiseaux migrateurs. On a une ambiance exceptionnelle.

Justement, dépeignez-nous cette ambiance.

Pour moi, les marais salants en hiver, ce sont des couchers de soleil : des lumières orangées, chaudes, beaucoup de solitude et des moments très intimes, rarement plus de trois ou quatre personnes. Si on devait le peindre : un peintre seul, un coucher de soleil, des bassins à moitié inondés. On devine quelque chose, comme un vestige, une histoire… L’été n’est pas la période la plus riche : au printemps, la nature s’éveille, les oiseaux reviennent du sud.  L’hiver, ce sont les oiseaux du nord, comme les bernaches, qui viennent se reposer. C’est un endroit paisible : on peut marcher une demi-heure sans croiser personne. Les oiseaux sont les rois du monde.

Spécialiste des plantes sauvages comestibles, Nicolas François est tombé amoureux des marais salants… bien loin de son Pas-de-Calais natal.

Peut-on dire que le marais salant a deux vies : celle du sel et celle de la nature ?

Ces deux vies sont intimement liées. Guérande est réputée pour ses marais salants. Les gens passent dans la ville et se disent : “On ne peut pas ne pas visiter.” Beaucoup arrivent spontanément, en demandant simplement où aller. La vie du marais existe parce qu’on y produit du sel. Les paludiers remplissent les réservoirs d’eau de mer, ce qui apporte aussi la vie. La vie du paludier, du héron, de l’aigrette : tout est lié. Ici, on n’oppose pas agriculture et biodiversité : les deux sont imbriqués. 

Vous êtes guide ici depuis dix ans. Qu’est-ce qui vous a fait naître votre attachement au lieu ?

C’est difficile de ne pas en tomber amoureux. On ne met pas la nature sous cloche, mais on la respecte, tout en respectant le travail des paludiers. Je suis arrivé un peu par hasard du Pas-de-Calais, je n’avais pas de connaissances du milieu. Il y a encore onze ans, j’animais des visites dans une villa gallo-romaine et dans des moulins en Auvergne ! Ma passion pour les plantes sauvages comestibles, très présentes dans le marais, m’a mené jusqu’ici. Je pensais rester deux ans, mais je n’ai jamais su repartir. Pour moi, on participe à la préservation du site. On montre qu’on peut avoir un endroit avec une activité humaine et une biodiversité côte à côte.

Antonin Patarin

Le Fil Info

Autres articles