À Châteaubriant, un médecin comparaît devant le tribunal de Nantes après avoir lâché un nourrisson lors d’une consultation. En cause : son état d’ébriété au moment des faits.
C’était un rendez-vous médical ordinaire qui a viré au cauchemar pour cette maman. Le 7 novembre 2023, une jeune mère se rend chez son médecin généraliste avec sa fille de quatre mois. Après une heure et demie d’attente – un délai inhabituel pour ce praticien qu’elle consulte régulièrement – le docteur la prend en charge. Depuis 10 ans, il était le médecin traitant de la famille.
Elle remarque immédiatement que quelque chose ne tourne pas rond. « Il n’était pas comme d’habitude, il avait des gestes brusques, mélangeait ses chiffres, il avait l’air perdu », raconte-t-elle dans sa déposition. L’inquiétude grandit lorsqu’il prend le bébé pour l’examiner. Au moment de le poser sur la balance, il le lâche par mégarde. L’enfant tombe d’environ dix centimètres. Heureusement, aucune blessure grave n’est constatée, mais la scène choque la mère qui porte plainte.
Quelques heures plus tard, les forces de l’ordre interviennent et soumettent le praticien à un test d’alcoolémie. Le verdict est sans appel : il avait consommé de l’alcool avant la consultation.
« Il a mis en danger la vie de ma fille »
Ce lundi 10 mars 2025, plus d’un an après les faits, l’affaire est jugée par le tribunal correctionnel de Nantes. La mère de la victime n’a pas pu se présenter à l’audience. Son avocate s’exprime en son nom : « Depuis cet incident, elle évite d’aller chez le médecin », témoigne-t-elle. La confiance avec les professionnels de santé est devenue beaucoup plus compliquée. Même angoisse lorsqu’il faut laisser l’enfant à la crèche.
Mais ce qui la traumatise encore plus, ce sont les pressions qu’elle aurait subies après l’accident. Selon son avocate, le médecin l’a contactée à plusieurs reprises pour lui demander de se rétracter. « Retire ta plainte, je vais me suicider, je vais perdre mon boulot », aurait-il insisté, allant jusqu’à la harceler. Un comportement jugé inquiétant, témoignant d’une grande détresse du prévenu.
Face au tribunal, la mère réclame aujourd’hui une indemnisation symbolique : 49 € pour ses frais de déplacement, ainsi que 1 500 € de dommages et intérêts pour elle et sa fille. Pas de soif de vengeance ou de rancœur, mais une prise de conscience de ses actes.
Un médecin à bout, entre stress et alcool
À la barre, le praticien sexagénaire tente d’expliquer son geste. Il nie avoir été dans un état d’ébriété avancé et reconnaît seulement avoir bu « un peu » d’eau-de-vie entre deux consultations.
Pourquoi ? Son avocat plaide des circonstances exceptionnelles. Ce jour-là, son client devait annoncer à un patient qu’il était atteint d’un cancer en phase terminale. Une épreuve difficile, qui aurait réveillé en lui un drame personnel : la perte de son père, lui aussi emporté par la maladie. Submergé par l’émotion, il aurait alors cédé à la tentation de l’alcool.
Sa femme, qui est aussi sa secrétaire, le défend. Elle affirme qu’il n’a jamais bu sur son lieu de travail. En revanche, elle admet qu’il avait l’habitude de prendre un verre chaque soir à son domicile et qu’il était sous antidépresseurs.
Un verdict attendu le 14 avril
Le tribunal a requis cinq mois de prison avec sursis et une interdiction de cinq ans d’exercer sur des mineurs. Une sanction jugée “mesurée”, par la procureure de la République, compte tenu de la détresse personnelle du médecin, mais qui rappelle la gravité de son comportement.
La décision sera rendue le 14 avril prochain.
Arthur Camus et Ambre Guitton