Arrivé des États-Unis avec une solide expérience en marketing social, El Hadji Fall a importé à Nantes un concept audacieux : un journal télévisé entièrement rappé. Avec son association Greenact et le projet CNOUS, il veut bousculer les codes médiatiques et donner la parole aux quartiers.

Du Bronx à Nantes en passant par le Sénégal
Originaire du Sénégal, El Hadji Fall débarque aux États-Unis à 16 ans. Il y fait des études en marketing social à l’Université de New York. Doctorat en poche; il travaille ensuite pendant vingt ans dans les quartiers populaires du nord de la grosse pomme (Bronx et Queens notamment). En 2019, il pose ses valises à Nantes et monte l’association Greenact, axée sur l’écologie et la transformation sociale.
Mais son projet phare du moment est CNOUS (le jeu de mots fera peut-être sourire Pascal Praud), un JT rappé inspiré d’une émission qu’il avait lancée au Sénégal en 2000. “C’est nous que l’on montre comme étant ‘mauvais’, les gens des quartiers, d’où le nom CNOUS” , explique-t-il. Un clin d’œil provocateur pour réhabiliter l’image des banlieues.
Un JT décalé pour “reprendre le pouvoir médiatique”
Le concept du JT? Informer autrement. “On voulait briser certains codes des JT classiques. Le fond est rap, décalé. On prend le contre-pied des médias traditionnels”, détaille El Hadji Fall. Économie, politique, écologie… Les sujets sont variés, mais toujours traités avec le flow et l’énergie du hip-hop, celui qui a bercé le fondateur de Greenact.
Contrairement aux idées reçues, le projet ne vise pas uniquement les afficionados du rap. “Ce qu’on fait, c’est pas exclusivement destiné au monde hip-hop. On a créé un média pour être écouté par tout le monde.” dit-il encore. L’objectif est limpide: inciter les jeunes à s’engager. “On veut leur dire : prenez en charge vos quartiers. On revient à l’essence du rap : porter un message.”
De l’écriture au montage : comment cela se passe ?
La fabrication d’un épisode de CNOUS est un processus collaboratif. “On suit l’actualité, en France et à l’international. Ensuite, on lance un appel pour les textes, et on choisit celui ou celle qui nous plaît le plus.” énonce El Hadji Fall. Viennent ensuite l’enregistrement en studio, le tournage et le montage avant la diffusion sur les réseaux sociaux.
Parmi les participants, on trouve des rappeurs de Nantes mais pas que. La présentation est assurée par Cap-Oral, fidèle soldat depuis le début de la chaîne. Mais le concept se veut aussi inclusif: “Des filles vont venir rapper – le numéro 5 sera certainement dédié à elles”, annonce El Hadji Fall. Le projet attire même des soutiens de poids : “Ahmed Sylla, Omar Sy, Waly Dia… Ce sont des gens qui nous suivent”, affirme El Hadji Fall.
Un média indépendant
Malgré son succès, CNOUS doit composer avec des difficultés. “On nous a dit qu’avoir cette ligne éditoriale nous empêcherait d’avoir certains sponsors. Avoir des aides de la Ville paraît difficile.” Mais l’équipe tient à son indépendance : “Le JT rappé n’est pas un projet culturel, mais un média. On veut garder ce truc-là.” ajoute le fondateur de CNOUS.
Et l’avenir ne manque pas de projets. Des podcasts et une extension du concept sont déjà pensés. “Je veux que CNOUS soit une plateforme. Qu’il y ait d’autres émissions sur les cultures de quartier.” dit encore El Hadji Fall. Avec une ambition : prouver que l’info peut être à la fois engagée, musicale… et accessible à tous. Et remettre les quartiers au cœur de l’actualité, en incitant les habitants à s’engager pour eux.
Jonathan Aubineau