« Comprendre pour ne pas reproduire : c’est tout le sens du Mémorial »

Chargée d’exploitation au Mémorial de Caen, Tyfène Denoyelle aborde la mission du musée normand. Elle explique comment l’institution, à Caen, travaille au quotidien pour rendre accessible la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, en repensant régulièrement son parcours.

Tyfène Denoyelle, chargée d’exploitation au Mémorial de Caen, au service de la mémoire et de la transmission de l’histoire.

Comment définiriez-vous la mission du Mémorial de Caen en matière de préservation de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale aujourd’hui ?

Transmettre la mémoire et la rendre accessible à tous, c’est notre cœur de mission. On raconte les conflits du XXᵉ siècle avec un focus sur la Seconde Guerre mondiale, la bataille de Normandie et la guerre froide. Le fonds Chauvel, qui rassemble les centaines de milliers de photos, vidéos et notes de terrain rapportées par le grand reporter Patrick Chauvel au fil de ses missions, permet de montrer les conflits à hauteur d’homme. Et nos expositions temporaires, comme celle consacrée à Varian Fry, ce journaliste américain qui a aidé des centaines d’artistes et d’intellectuels à fuir le nazisme, éclairent des figures moins connues.

Quand on entre dans le Mémorial, quelle est la ligne directrice qui structure l’ensemble du parcours de visite ? 

Le comparatif entre histoire et mémoire. L’Histoire s’appuie sur des preuves, elle est objective. La mémoire est subjective, liée aux émotions. Parfois elles se rejoignent, parfois non, et on explique cet écart tout au long du parcours. 

Qu’avez-vous souhaité que le public comprenne en premier durant leur visite ? 

Les sources des conflits, pour éviter qu’ils se reproduisent. On veut montrer la complexité des événements et que l’Histoire est faite de choix et de responsabilités. Ces questions résonnent encore aujourd’hui. 

Comment conservez-vous l’équilibre entre les nombreuses facettes de la guerre ? 

On est en perpétuelle évolution. L’espace Shoah, inauguré en avril, a été retravaillé avec des spécialistes comme Tal Bruttmann, historien spécialiste de la Shoah et de l’antisémitisme, auteur de plusieurs ouvrages de référence sur le sujet. On travaille toujours avec un comité scientifique très exigeant.

Comment adaptez-vous la transmission à des publics variés ?

On suit le programme scolaire pour les jeunes. Pour les adultes, on adapte : on insiste sur la bataille d’Angleterre pour le public britannique, sur Omaha pour les Américains. Il faut qu’ils comprennent les origines du conflit. 

Parmi tous les objets exposés, lequel retient votre attention ?

La carte de Churchill, située juste après la reconstitution du tunnel de métro au début du parcours, montre la mondialisation du conflit entre 1940 et 1942. C’est passionnant : tout a un lien en histoire.

Comment décidez-vous des modifications ou des thèmes à approfondir ?

On se base sur le programme scolaire, les avancées de la recherche et les réactions du public. Certaines parties sont trop complexes ou trop rapides : on ajuste la médiation et la scénographie. 

Les objets exposés répondent-ils à des critères précis ?

Oui, ils doivent servir l’explication. Pour la propagande visant les enfants, on montre des objets qui leur étaient destinés. On choisit selon la valeur pédagogique, l’état de conservation et la capacité à raconter une histoire. Un bon objet peut dire plus qu’un long texte. 

Thomas Amiot

Le Fil Info

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