Inspiré par les deux continents qui l’ont construit, Evan Groh, peintre ivoirien expose à Nantes sa nouvelle série Reflets. Une exploration sans concession de la condition féminine. Un manifeste artistique puissant, à l’image de son créateur.
Les regards de ces portraits impressionnent par leur profondeur, questionnent l’esprit. Dans son exposition Reflets, Evan Groh présente des portraits féminins où le peintre plasticien poursuit son exploration débutée avec sa série Fragments.
« Les visages féminins sont souvent perçus comme des livres ouverts que personne ne parvient vraiment à déchiffrer », affirme l’artiste avec une assurance presque provocatrice.
Pas de romantisme désuet dans sa démarche, mais une exploration frontale de la condition féminine qui pulvérise les clichés et les attentes.

D’un style unique, son art porte l’empreinte de deux terres.
Formé d’abord aux Beaux-Arts d’Abidjan, Devy-Evan Groh Mondjehi, 29 ans, a quitté la Côte d’Ivoire en 2017, pour poursuivre son développement artistique en France.
De Toulouse où il s’est immergé dans l’histoire de l’art jusqu’à Rennes et Nantes où il a développé sa pratique, chaque étape géographique marque une évolution de son regard artistique.
Sa propre vision de l’art
« Je ne me suis pas mis de barrières », déclare-t-il sèchement, comme si cette évidence méritait à peine d’être mentionnée. Contrairement à certains créateurs qui se définissent avant tout par leur origine, Evan préfère se voir comme un artiste dont l’identité multiple enrichit la palette sans la définir entièrement.
Déjà plus jeune, il ressent l’attrait vers l’art occidental, un art qui dépasse l’esthétique, à travers lequel on parle. « En Côte d’Ivoire, l’art s’arrête souvent à sa beauté. Moi, je voulais faire passer des messages et faire parler les émotions », explique l’artiste, son phrasé portant encore les musicalités de son Abidjan natal.
En vérité, l’art a régi toute sa vie. « Quand j’avais une histoire en tête, je pouvais la retranscrire visuellement, et cela me permettait de la garder longtemps en mémoire. » En classe, ses cahiers se distinguaient déjà par des illustrations. Dessiner le stimulait, en même temps qu’il lui permettait de mieux retenir ses leçons. Cette approche pragmatique éclaire sa démarche actuelle : ses portraits ne sont pas simplement esthétiques, ils essayent de comprendre.
Transmettre son art jusqu’en Côte d’Ivoire
Le quotidien d’Evan se partage entre deux mondes : l’artiste qui explore des thématiques profondes et le peintre décorateur qui assure sa subsistance.
« L’art est un marathon, pas un sprint », observe-t-il avec lucidité. Cette double vie, loin de diluer sa vision, l’ancre dans une réalité qui nourrit son travail et inspire ses projets futurs, notamment pour soutenir de jeunes talents en Côte d’Ivoire.
« J’aimerais, un jour, pouvoir ramener toutes mes connaissances là-bas pour enseigner et y changer la vision de l’art », explique-t-il d’un air presque rêveur. « Avant de vraiment y réfléchir, j’essaye de vivre de mon art et de m’épanouir complètement ici », nuance-t-il d’une sèche rationalité.