A l’heure où les regards se tournent vers le futur, Florentin Delacour, étudiant en journalisme, recule dans le temps des hommes pour mettre en lumière son arbre généalogique.
En octobre 2022, j’ai appris la disparition de ma grand-mère paternelle. C’était la première fois que je vivais le deuil. Une semaine plus tôt, elle avait été admise à l’hôpital pour un cancer du pancréas.
Or, il s’agit de l’un des plus redoutables avec un taux de survie décourageant. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : “Le cancer du pancréas a représenté 5 % de tous les décès liés au cancer dans le monde en 2022”.
À l’enterrement, un détail me sauta aux yeux : à l’exception de mon père, mes oncles et quelques tantes, les silhouettes présentes m’étaient de parfaits inconnus. Je pris immédiatement conscience de ma méconnaissance de la famille paternelle.
Une quête à mener
Mon aventure dans les archives du temps est donc née par la curiosité. Mais aussi une question : jusqu’à quand pourrais-je remonter les aiguilles de l’histoire de ma famille ?
C’est alors que perdu sur le chemin à suivre pour débuter mes recherches, le paternel de mon beau-père entra en jeu. C’est lui qui m’a mis la quête généalogique en tête et fournit de précieuses indications. Grand connaisseur du sujet il possédait une œuvre d’art. Un rouleau de papier semblable à un papyrus.
À première vue, il ne s’agissait que de lignes tracées sur toute sa longueur, mais à y regarder de plus près, une écriture fine se distinguait. Des noms en majuscule et des prénoms en petits caractères, cotoyaient des dates : un arbre généalogique.
“C’est l’arbre réalisé par l’un de mes cousins dans les années 70. Depuis que je suis à la retraite et que j’ai le temps, je m’y suis également mis”, me raconte Yves Davenas, 74 ans.
La culture du souvenir
La généalogie est un véritable travail d’enquête, à l’instar de celui que fournit le journaliste par la récolte d’information et le croisement des sources. Le Livret de Famille se trouve être une véritable mine d’information pour débuter toute recherche généalogique qui se respecte. Cela étant dû à la quantité d’informations disponibles, concernant le mariage et les enfants.
À présent que l’on a la souche de notre arbre, place à l’entretien avec les parents. Que peuvent-ils nous apprendre sur leurs propres parents ? Ont-ils connu leurs grands-parents ?
“Il faut se rendre compte que ce qui est dit n’est pas aussi durable que ce qui est écrit” me rappelle Yves. Une fois ces informations récoltées, la trace de mes ancêtres remonte plus ou moins jusqu’au début du XXe siècle et la fin du XIXe.
À ce stade, à moins que vos arrières-grands-parents n’aient pas encore passé l’arme à gauche, c’est ici que ça se corse. Comment poursuivre les recherches sans témoin, ni source orale ? En vérité, l’investigation généalogique vient tout juste de commencer.
Les démarches administratives
Il est loin le temps où se procurer un document officiel signifiait se déplacer en mairie. “À l’époque, tout devait se faire là-bas. C’est ce qu’a dû faire mon cousin. Heureusement, aujourd’hui, nous avons internet pour tout ce qui n’est pas encore centenaire, me partage Yves. Mais ça perd son charme vu que l’on trouve ce que l’on cherche très rapidement”, ajoute-t-il.
J’ai donc la possibilité de formuler des demandes depuis mon bureau. Mais gare à ceux qui pensent que l’on va leur mâcher le travail, l’administration n’a pas l’obligation de communiquer les documents trouvables sur les archives numérisées.
À la réception de l’acte de mariage de mes parents tapé à la machine, j’ai eu la sensation d’entreprendre un voyage lointain. En revanche, j’ai été déçu de découvrir mon acte de naissance. L’ère du numérique est passée par là et se contente désormais de l’essentiel : des lettres capitales et des chiffres comme date de naissance.
Les archives départementales
Le Graal jusqu’au début du XIXe siècle, c’est l’acte de mariage. Tout y est : la date de l’union, le lieu de naissance et les parents des mariés. Enfin, à la mort, mention doit être faite sur ce même acte.
Autant dire que c’est LE document qui permet de progresser le plus rapidement. Et cela, nous pouvons l’obtenir sur les archives départementales. “Il faut beaucoup d’indices pour être sûr de ce que l’on cherche. Mais tous les documents ne sont pas forcément disponibles” prévient Yves Davenas.
Car à la mort d’une personne, un compte à rebours s’enclenche. Si l’individu que nous recherchons est décédé en 1925, alors son État Civil est disponible sur les archives numériques après un siècle. Mais dans la réalité, la numérisation prend du temps.
En matière de documents, les plus intéressants à retenir sont les actes de naissance, de mariage et de décès, ainsi que les tables décennales. Une fois l’acte repéré, place à la lecture pour récolter les informations, et avec ceci, les premières difficultés d’une longue série.
Un périple constant
Plus on remonte, plus les difficultés s’accumulent et deviennent contraignantes. Remettre un document dans sa période historique devient alors indispensable afin d’établir le contexte d’écriture, dont certains changements frappants.
Par exemple, l’instauration du calendrier républicain qui remplace le grégorien à l’arrivée de la Ire République. Cependant, le véritable défi se révèle avant la Révolution française.
Apparaissent alors, les registres paroissiaux, l’ancêtre de l’État Civil Républicain. La différence est marquante. On ne parle plus de naissance mais de baptême et non plus de décès mais de sépulture. Le mariage, lui, demeure inchangé.
Enfin, l’écriture devient plus compressée et difficilement lisible. Les informations se raréfient, surtout au grand dam de la femme, qui dans plusieurs cas, n’a de mentionné que son nom et prénom.
Avec tous ces revers, la recherche devient d’or et déjà plus décourageante, car beaucoup de pistes ne mènent à rien. Mais j’y vois là un avantage : on se galvanise plus facilement dès lors que l’on trouve ce qu’on cherche.
Quel intérêt ?
La généalogie, c’est bien plus que simplement trouver nos ancêtres. C’est l’histoire de personnes que l’on peut lier à ce que l’on nous apprend sur les bancs de l’école. Celle avec un grand H. “Ce qui m’amuse, c’est de refaire la petite histoire de chaque personne”, s’enthousiasme Yves.
Il ne suffit pas d’effectuer un test ADN pour connaître ses origines. Il s’agit, comme je l’ai dit plus tôt, d’un travail d’investigation à long terme, théoriquement infini, mais dans la pratique, fini.
Pour ma part, la plus vieille trace remonte à 1654 avec un certain Pierre, dans un village de l’Orne. Mais à ce stade, c’est un miracle d’obtenir quoique ce soit des pattes de mouches manuscrites. Après cet acte de naissance, plus rien. Le papier n’est pas éternel.
Rendez-vous compte, lire un document de 300 ans d’âge est déjà quelque chose d’incroyable ! “Le papier était rare à l’époque, sauf pour une certaine tranche cultivée de la population qui en avait les moyens” m’explique Yves.
Jamais à mes débuts, je n’aurais pensé être en mesure de remonter aussi loin. Au fond, je voulais surtout savoir si la famille Delacour descendait d’une noblesse éteinte. Mais aujourd’hui, je pense plutôt que je viens De La Cour de ferme.
Enfin, je pense qu’il est juste impressionnant pour quelqu’un d’apprendre que je connais le prénom de mon arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père : Pierre Delacour.
Florentin DELACOUR