Fathia Wycisk est l’autrice de « La petite fille qui voulait avoir les yeux verts ». L’occasion pour cette habitante de Loire-Atlantique de parler de son passé chez les Témoins de Jéhovah et d’alerter sur les dangers de ce mouvement, rejoint par sa propre fille.
Fathia Wycisk nait en Algérie en 1959, et elle grandit en France. Dans son adolescence, à 15 ans, une Témoin de Jéhovah la convainc de rejoindre le mouvement. Elle y reste plusieurs années. « Au départ, ils sont d’une extrême gentillesse et nous considèrent comme une personne exceptionnelle. Quand on est ado, on y est sensible, et on est une proie facile. » explique Fathia Wycisk, habitante de Guémené-Penfao.
Rapidement, les choses changent. « Une fois dans le mouvement, dès le moindre écart, ce sont des blâmes. C’est une pression constante. »
Une emprise sur les membres
Rapidement, Fathia s’investit de manière plus importante dans le milieu. Elle commence par faire du porte à porte, puis s’y consacre pleinement. « Je donnais peu d’argent, mais je passais mes après-midi à faire de la prédication. Ils m’encourageaient à le faire ».
Au moindre écart, le mouvement n’hésite pas à la réprimander, voire l’humilier en public. « Ils tiennent les gens par le biais de la menace. S’ils s’écartent trop, ils sont excommuniés. »
L’excommunication est un moyen de pression important. « C’est facile de partir sur le plan technique. Mais pas au niveau psychologique. Si on part, on perd tout contact avec sa famille et ses proches, on est complètement seul. »
La présidente de l’UNADFI (Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes), Pascale Duval, alerte sur ce point. « Ce qui nous inquiète beaucoup, c’est cet ostracisme très violent. C’est très caractéristique d’un mouvement sectaire. »
Fathia Wycisk parvient finalement à quitter les témoins de Jéhovah en 1985. Elle perd contact avec beaucoup de ses amis.

Sa fille rejoint les Témoins de Jéhovah
Il y a quelques années, sa fille rejoint à son tour les Témoins de Jéhovah. Sa mère ayant été excommuniée, on lui interdit tout contact avec elle. « J’ai un cancer depuis cinq ans, et je n’ai plus de nouvelles de ma fille. On l’empêche d’entrer en contact avec moi. C’est très douloureux, je l’ai perdue » nous confie-t-elle.
Pascale Duval insiste sur les nombreuses « dérives sectaires » de ce mouvement. « Au delà de l’ostracisme, ils isolent leurs enfants et les déconnectent du monde réel. Ils leur apprennent à vivre dans la peur d’Armageddon, c’est-à-dire la fin du monde. Le sort de ces enfants me traumatise. » Elle dénonce aussi certaines lois internes. « Pour éviter les problèmes d’abus sexuels, ils ont inventé la ” loi des deux témoins “. S’il n’y a pas deux personnes pour témoigner d’un viol ou d’une agression sexuelle, on ne les croit pas. »
Une « association cultuelle » difficile à encadrer
Les Témoins de Jéhovah sont une association cultuelle, au sens de la loi de 1901. Ils sont donc reconnus, encadrés et protégés par la loi. « Ils sont très procéduriers, et ça fonctionne. En tant qu’association d’aide aux victimes, on hésite toujours à faire des choses, on sait qu’ils font pression. Ils sont puissants financièrement et politiquement. Ils ont de très bons avocats », explique Pascale Duval.
La présidente de l’UNADFI interpelle donc sur la difficulté de son association à se faire entendre. « Nos moyens par rapport aux leurs, c’est que dalle. On a peur d’aller en justice parce que ça nous coute très cher. C’est un bon moyen de nous empêcher d’agir. On est aujourd’hui partie civile dans six dossiers, c’est un gouffre financier. »
L’UNADFI reçoit peu de subventions, et fait appel aux dons pour pouvoir continuer à aider et protéger les victimes. L’association appelle aussi à une prise de conscience collective pour faire évoluer la loi, et mieux encadrer ce mouvement. « Ils jouent de leur reconnaissance en tant qu’association culturelle » conclut Pascale Duval.
Fathia Wycisk a réussi à sortir de cette emprise. Elle a fondé l’Association des EX Témoins de Jéhovah de France et des Victime, dont elle est présidente.
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Léo Cognée