Face à la crise du climat, les bergers pyrénéens réapprennent leur métier

Dans la vallée de Luz, où l’herbe a toujours été une richesse, le climat bouleverse désormais le rythme des saisons, les pâturages et les bêtes. Face à ces changements, André, “Dédé” pour tout le village, éleveur de moutons, raconte comment son métier se transforme.

Comment le réchauffement climatique se traduit-il dans votre quotidien d’agriculteur ici, dans la vallée ?

Disons que le calendrier a changé. Avant, la transhumance, c’était fin mai pour monter en estive (parcelle de pâturage), mi-octobre pour redescendre avec les premières neiges. L’année dernière, mes 250 bêtes sont restées là-haut jusqu’en novembre sans voir un flocon. Les dates qu’on avait en tête depuis toujours, elles ne fonctionnent plus vraiment. Il y a aussi la question de l’eau. Des sources qui coulaient tout l’été, maintenant elles tarissent en juillet. Donc je monte avec la citerne tous les trois jours. C’est du temps et du carburant en plus, mais c’est comme ça.

Et la qualité des pâturages, comment évolue-t-elle ?

L’herbe pousse différemment, c’est clair. Au printemps, avec l’humidité et la chaleur, il y a une vraie explosion de verdure. Mais l’été, c’est une autre histoire. L’herbe sèche vite, elle grille sur pied. Les bêtes passent plus de temps à l’ombre qu’au pâturage quand il fait trop chaud. On a commencé à planter des haies, à faire de l’agroforesterie sur certaines parcelles pour leur donner des zones ombragées. Et on réfléchit aussi aux périodes de lactation, pour les faire coïncider avec les moments où l’herbe est la plus abondante. Ce sont des ajustements, mais ils font la différence.

Si on lâche, qui va préserver tout ça ?

André, éleveur dans les Pyrénées

Faut-il repenser la bergerie aussi ?

Exactement. Nos grands-pères ont construit ces bâtiments pour protéger les bêtes du froid pyrénéen. Aujourd’hui, dès 26 C° avec 90 % d’humidité, c’est un four. On ouvre tout, on ventile. Certains collègues installent des ventilateurs mécaniques. Tout ça, ce sont des investissements qu’on n’avait pas prévus.

Comment voyez-vous l’avenir de l’élevage en montagne ?

On est des montagnards, on sait s’adapter. Mais il va falloir qu’on soit accompagnés. Techniquement, mais aussi économiquement. Parce que tout ça — les citernes, les aménagements, le temps de travail en plus — ça pèse lourd sur une exploitation. Ce qui me fait tenir, c’est la passion du métier, et puis ce paysage… Si on lâche, qui va préserver tout ça ? Qui va empêcher les broussailles d’envahir la montagne et d’augmenter les risques d’incendie ? On n’est pas que des éleveurs, on est aussi des jardiniers de l’altitude. Et ça, avec ou sans réchauffement, ça ne changera pas.

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