24h de la vie d'une femme © Camille Blaringhem

24h de la vie d’une femme, une exposition immersive sur Nantes

À Nantes, une exposition immersive plonge le public dans les récits bouleversants de femmes venues du monde entier. Présentée jusqu’au 19 décembre aux Archives départementales de Loire-Atlantique, elle est portée par la sensibilité de sa directrice artistique et auteure, Cécile Delalande.

24h de la vie d’une femme, c’est une exposition immersive dans laquelle les visiteurs endossent le rôle d’une femme aux trajectoires multiples, venues de différents coins du monde ou de tout près ; Paris, Nigeria, Inde… Pendant une heure, les visiteurs avancent dans leur quotidien, leurs choix, leurs chutes, leurs puissances. Entre trafic humain, emprise psychologique, violences conjugales, dérèglement climatique ou excision, ce sont les histoires de six “guerrières” qui se dévoilent. Six vies, six combats, six façons de tenir debout.

Conçue par Cécile Delalande, fondatrice d’Ars Anima (association menant des actions de sensibilisation), l’exposition propose au public de vivre une expérience intime. « Ça fait 20 ans que je crée des immersions sociales pour raconter les histoires des gens aux autres ». Après le projet Né quelque part, qui plongeait les visiteurs dans sept pays autour des enjeux écologiques, elle s’est tournée vers les histoires de femmes. « J’avais vraiment envie de créer un projet dédié à ces femmes, ici comme ailleurs ».

Certaines histoires ont été confiées pour la première fois. C’est le cas de Shayda, originaire du Kurdistan, « c’était la première fois qu’elle racontait cette part de sa vie. Elle n’en parlait même pas à ses sœurs ». Cécile Delalande explique « Ce sont des militantes, ce sont pas des nanas qui parlent d’elles. Mais elles l’ont fait parce qu’elles savaient que ça permettrait de participer à un moment de sensibilisation et d’éveil des consciences dans le monde. » D’autres récits, en revanche, ont été transmis par des autrices ou des militantes, comme celui de Vandana Shiva, activiste indienne, écrit avec l’aide de son biographe Lionel Astruc « le récit a été validé par lui et Vandana en personne. » 

« Plus c’est la galère, plus ça demande de résilience »

L’écriture de l’exposition a demandé une année complète. « J’ai fait des interviews, enregistré des choses, puis j’ai eu besoin de laisser infuser. Et après un moment, c’était prêt, c’est venu, et j’ai écrit ». Le travail n’était pas seulement documentaire. Il s’agissait aussi de comprendre comment raconter une vie en une heure, de manière sensible, tout en respectant l’intégrité des témoignages. « Tu ne peux pas mettre les gens dans une histoire s’il n’y a pas un moment où il y a un espoir », dit-elle, expliquant pourquoi elle n’a conservé que des parcours où une forme de résilience pouvait émerger. « Ce qui est important en tant qu’auteur, c’est que, surtout dans ces parcours-là, ce ne soit pas une voix sans issue. »

24h de la vie d’une femme © Camille Blaringhem

Ainsi, les histoires sont variées : l’excision avec Aouda, l’enfer libyen avec Abi, l’exil et la migration étudiante pour Juanita, la lutte écologique avec Vandana Shiva, la guerre pour Shayda, ou encore l’emprise conjugale avec Marie. 

Parmi elles, cette dernière, française, provoque souvent les réactions les plus fortes. Elle le note elle-même : « Marie, tu te la prends en pleine figure, parce qu’elle est française comme nous ». L’absence de distance géographique rend l’identification immédiate.

L’exposition génère des prises de conscience parfois très personnelles. « En écoutant le récit de Marie, une de mes connaissances s’est rendue compte qu’une de ses amies était victime d’emprise psychologique de la part de son compagnon. Son silence, c’est le même que Marie. » L’expérience traumatique d’une femme peut en sauver d’autres. « Quand on fait un petit truc, ça a des effets de dingue », dit Delalande, convaincue que ces récits peuvent déclencher des mouvements intérieurs. 

« Dis-moi et j’oublierai. Montre-moi et je me souviendrai. Implique-moi et je comprendrai ».

L’impact émotionnel fait partie intégrante du dispositif. Cécile Delalande parle d’un travail qui transforme par l’incarnation. « Transformer par l’émotion, c’est mon credo. Quand les gens deviennent quelqu’un d’autre pendant une heure, il se passe quelque chose. »

D’ailleurs, les immersions laissent parfois des traces troublantes. « Quelques temps après avoir vu une de mes expositions immersives, une amie m’a dit : «j’ai entendu parler de la ville de Medellín à la radio, et pendant une seconde j’ai cru que j’y étais allé. »» Elle appelle cela une “mémoire expérientielle”, preuve qu’on retient différemment ce qu’on a vécu ; même par fiction incarnée. 

24h de la vie d’une femme © Camille Blaringhem

L’exposition touche un public très majoritairement féminin. 85 % des visiteurs sont des femmes, contre environ 15 % d’hommes. Parmi ces hommes, un commentaire revient souvent : « Les hommes aussi sont victimes de ça, et eux on n’en parle pas. »

Pour la créatrice, ce projet dépasse la dimension artistique. Il est porteur d’un message politique et social. L’exposition parle d’exil, d’emprise, de domination, mais aussi de force, de reconstruction et de solidarité. « Chacun peut agir à son endroit », affirme-t-elle, insistant sur la puissance des récits personnels comme moteurs de transformation. 

Elle conclut régulièrement en citant Confucius : « Dis-moi et j’oublierai. Montre-moi et je me souviendrai. Implique-moi et je comprendrai ».

Camille Blaringhem



Infos pratiques :

Exposition 24h de la vie d’une femme
Lieu, Archives départementales de Loire Atlantique 6 Rue de Bouillé, 44000 Nantes
Ouverte jusqu’au 19 décembre 2025,
lun, mer, jeu, ven : séances de 9h20 à 16h
mar : séances de 14h à 17h
Gratuit sur réservation

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