Enseigner la géopolitique mondiale au lycée, “une tâche ardue”

Comment transmettre les bonnes clés de compréhension à ses élèves, quels sont les codes de déontologie à respecter, comment s’adapter aux actualités internationales bouillonnantes… Autant de questions et d’enjeux auxquels Clément Gurvil, professeur d’histoire depuis 23 ans, est confronté quotidiennement.

Dans le bâtiment B du lycée public des Bourdonnières, Clément Gurvil nous accueille sourire aux lèvres sur son terrain, sa salle de cours. Il enseigne l’histoire et la spécialité HGGSP (Histoire-Géographie, Géopolitique et Science Politique) depuis cinq ans dans l’établissement. Chaque jour, le professeur s’abreuve d’actualités internationales. Une discipline indispensable pour celui qui doit expliquer à ses élèves les variations politiques, géopolitiques et géographiques. Avec une actualité mondiale très tourmentée et complexe, comment la rend-il accessible et l’intègre-t-il au programme ?

Entre programme scolaire et actualité brûlante

Le conflit israélo-palestinien est un exemple saillant. Le thème fait l’objet de six heures de cours en spécialité HGGSP, depuis la création d’Israël en 1948 à aujourd’hui. Une temporalité trop mince pour développer et comprendre l’étendue du conflit, déplore le professeur : “On s’octroie un peu de temps en plus mais on est finalement obligé de jongler avec le nombre d’heures allouées.”

Malgré tout, les questions des élèves peuvent fuser et le professeur prend plaisir à approfondir le sujet. “Même si les questions des élèves durant ces séances ne sont pas systématiques, l’émotion peut vite faire basculer les opinions des élèves dans un camp. Ils en ont le droit, notre objectif est de leur donner les clés pour qu’ils comprennent pourquoi certaines choses se sont passées,” confie Clément Gurvil.

Sur un sujet aussi épineux que le conflit en Palestine, il prône l’objectivité et la rigueur : “Il convient juste d’être prudent dans la manière dont on présente les choses. Pas d’émotion, d’injonction ni de condamnation. S’appuyer sur des sources variées, rester informé c’est une tâche ardue”.

Cette neutralité demande un effort constant. Il présente les choses de façon impartiale, tout en admettant sortir parfois légèrement de sa réserve pour attirer l’attention sur les opinions extrémistes, qu’il juge néfastes et en opposition avec les valeurs républicaines.

Les limites de la pédagogie face aux contraintes temporelles

Le baccalauréat constitue une autre source de préoccupation pour l’enseignant. La structure de l’examen, avec deux sujets exigeants à traiter en quatre heures, semble peu adaptée à la complexité des thèmes abordés. M. Gurvil estime que ce format est “indigne de la complexité de ce qu’il faut mettre en œuvre : méthode, analyse, argumentaire et réflexion approfondie.”

La densité des programmes et la réforme du lycée ont également modifié le rapport des élèves à l’histoire-géographie. “Depuis la réforme, ceux qui n’aimaient pas ces disciplines ont pris le pli d’en faire le moins possible. Ce qui a changé, c’est la volonté de faire moins d’efforts, même chez les bons élèves parfois,” observe-t-il.

L’enjeu de la préparation à l’autonomie

La préoccupation majeure de ce professeur expérimenté porte sur le passage du lycée à l’université. “On leur tient la main au lycée, mais à la fac ils se retrouvent seuls.” Ce constat l’amène à réfléchir à des méthodes pour préparer davantage les lycéens à l’autonomie.

Pour Clément Gurvil, l’enjeu dépasse largement la simple transmission de connaissances historiques ou géopolitiques. Il s’agit de former des citoyens éclairés, capables d’exercer leur esprit critique face à la complexité du monde et à l’actualité brûlante. “Le but n’est pas de faire des experts mais de développer l’esprit critique pour faire de bons citoyens”, conclut-il.

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