Près de Nantes, la Cité Radieuse du célèbre architecte Le Corbusier représente une véritable prouesse technique. 70 ans après son inauguration, les habitants s’investissent toujours autant.
Dans le sud de Nantes, à Rezé, un imposant immeuble rectangulaire domine le paysage. Situé aux portes de l’estuaire de la Loire, il rappelle un paquebot avec ses balcons colorés et ses deux cheminées. La ressemblance n’est pas fortuite, car son concepteur n’est autre que Le Corbusier.
Architecte de renom du XXe siècle, il se fait connaître pour son style futuriste et son goût pour les projets d’envergure. Au début des années 1950, il réalise une unité d’habitation novatrice à Marseille. S’inspirant de cette réalisation, il conçoit en 1955 un bâtiment similaire à Rezé, adapté à son environnement maritime.
Ce chef-d’œuvre de techniques s’inspirant du mouvement architecture brutaliste, mêlant bois et béton armé. Il s’élève à plus de 50 mètres de haut, une première pour la région nantaise qui n’avait alors jamais connu de construction aussi imposante. À l’intérieur aucune finition, les murs sont bruts et les ouvertures peu nombreuses.
Une prouesse technique
D’un point de vue technique, l’immeuble représente une véritable avancée pour l’époque. Il est doté d’un système de chauffage au sol et de doubles vitrages. Parmi les quelque 300 appartements, la majorité sont des duplex, traversant le bâtiment d’est en ouest. Franck, le régisseur des lieux, compare cet ensemble à un jeu de construction : « C’est une architecture très particulière où les appartements se croisent entre les niveaux. » Une autre singularité : les couloirs longs et sombres de 100 mètres. Ils sont appelés « rues » et sont délibérément peu éclairés afin de limiter les regroupements et, par conséquent, les nuisances sonores.

Aujourd’hui, cette tour abrite plus de 1 000 résidents. Parmi eux, Fernand, 72 ans, vit dans l’un de ces duplex depuis 28 ans. « J’aime cet endroit. J’habite à Rezé depuis mon enfance et, quand une opportunité s’est présentée pour louer, je n’ai pas hésité une seconde », raconte-t-il avec le sourire. Cependant, l’immeuble accueille aussi bien des locataires que des propriétaires ainsi qu’un nombre significatif de logements sociaux qui représentent près de la moitié des habitations.
Intissar, 43 ans, réside dans l’un de ces appartements HLM. « J’avais du mal à trouver un logement et la mairie m’a proposé celui-ci. L’ambiance m’a semblé étrange au départ, mais on s’y habitue », explique-t-elle en attendant sa benjamine pour le déjeuner. Quant à l’histoire de la Cité Radieuse, elle avoue ne pas s’y être intéressée « mais ça se voit qu’il est différent des autres HLM, c’est quelqu’un de connu qui l’a construit, ça je le sais ! »
Une école dans l’immeuble
Au dernier étage, les habitants peuvent retrouver une école maternelle. Regroupant deux classes et une quarantaine d’enfants, cet établissement reflète la volonté initiale de Le Corbusier de créer une unité d’habitation autonome, intégrant services et activités ludiques, y compris la distribution de journaux dans le hall.

L’ensemble est bordé de six hectares de jardins et d’espaces verts. Jean-Yves, 68 ans, fréquente ce lieu depuis des décennies. « Tout le monde se connaissait, c’était convivial et il y avait de nombreuses animations. On pouvait y vivre plusieurs jours sans sortir du quartier, tout était à portée de main », se remémore-t-il avec nostalgie. Aujourd’hui encore, la Cité Radieuse conserve son esprit communautaire. Les habitants qui y vivent aujourd’hui sont libres de participer aux activités proposées.
De cette façon, chaque mercredi, un marché s’installe dans l’entrée du bâtiment, tandis que les habitants organisent diverses activités : sport, couture et autres loisirs collectifs. Toutefois, cet immeuble, bien que septuagénaire, continue ainsi de remplir sa mission d’espace de vie harmonieux et fonctionnel, fidèle à la vision de son créateur.
