Scène du Micro Comedy Club, © Corto Meunier

Le stand-up explose : pourquoi Nantes devient un terrain de jeu idéal ?

Les salles se multiplient, les soirées s’enchaînent, les plateaux affichent complet : Nantes vit un moment décisif pour le stand-up. Si la scène s’emballe, c’est d’abord parce que le public suit. “Il y a un engouement énorme autour du stand-up“, explique Achref Talleb, l’un des fondateurs en 2023 du Smile Comedy Club, proche de la place Viarme, qui voit dans ce boom l’effet d’une nouvelle culture du rire, plus directe, plus américaine, plus ancrée dans le quotidien.

Cette proximité nouvelle plaît autant qu’elle intrigue. Les Nantais découvrent un humour débarrassé du “quatrième mur“, où l’artiste leur parle, les regarde, improvise, rebondit sur leurs réactions. Un humour vivant, brut, à taille humaine. Pour Samuel Soudière du Mystère Impro Club qui a ouvert en 2024 proche de Place du Cirque, cette effervescence n’est pas une surprise : “À Nantes, l’improvisation et le stand-up existent depuis plus de vingt ans. Des groupes de stand-uppers s’y essayaient déjà bien avant l’arrivée des salles dédiées.” Ce terreau ancien, combiné à une ville qui consomme énormément de culture, a ouvert la voie à l’émergence de lieux permanents.

À cela s’ajoute un autre facteur : les personnalités issues de la région. De Waly Dia à Élodie Poux ou Edgar-Yves, la ville a vu naître ou passer plusieurs figures qui ont donné envie à d’autres de s’y mettre. “Les Nantais ont peut-être l’impression de faire partie de l’histoire de l’humour“, résume Maxime Stockner, humoriste et gérant du Micro Comedy Club, installé Quai de la Fosse depuis 2021.

Des lieux qui se professionnalisent à grande vitesse

La croissance est telle que les comedy clubs doivent évoluer vite. Certains ouvrent une deuxième salle, d’autres mettent en place des résidences, des scènes ouvertes, voire des formations. Au Smile, la salle sert autant de scène que de lieu d’accompagnement. L’équipe artistique suit les humoristes, les conseille, leur permet de tester, de se réinventer. “On leur donne un espace pour progresser et grandir“, confie le cofondateur. Lieu de création, lieu d’apprentissage, lieu de rencontre : la formule séduit les artistes autant que le public.

Au Micro , la montée en puissance a été fulgurante. Les spectacles se multiplient, les salles s’agrandissent avec l’ouverture d’une autre salle juste à côté et des évènements à la H Arena en février prochain, les séances s’enchaînent et le public revient. “Certains samedis, je joue six fois sans quitter la salle“, raconte Maxime Stockner. L’endroit est devenu un véritable atelier à blagues, où écrire ne suffit pas : il faut tester, rejouer, ajuster. Cette dynamique a même permis l’ouverture d’une formation. Huit élèves seulement, sélectionnés, trois heures par semaine pour apprendre à écrire, structurer une idée, comprendre le métier, maîtriser la scène. Une façon de transmettre une méthode, mais aussi un esprit : familial, exigeant, bienveillant.

Le Mystère, lui, mise sur la passerelle entre stand-up et improvisation. Son objectif : professionnaliser un art longtemps amateur, rémunérer les artistes, créer un écosystème durable. “Faire reconnaître ce métier comme une vraie finalité de carrière, ce n’est pas simple, mais on y arrive petit à petit“, souligne son directeur.

Une scène prometteuse, malgré les défis

Gérer un comedy club n’a rien d’une promenade. Il faut remplir des salles, faire venir du monde dans des lieux parfois exigus, se faire connaître, créer une identité sans lasser. Tous évoquent le même défi : se renouveler constamment. La concurrence est saine, mais réelle. Le public nantais est curieux, fidèle, mais exigeant. “Maintenir un niveau cohérent et toujours surprendre, c’est le plus difficile“, confie le créateur du Micro. À cela s’ajoutent les contraintes urbaines : les travaux, l’accessibilité et la baisse des subventions culturelles, qui fragilise les structures indépendantes. “Heureusement, on peut compter sur les Nantais pour ne pas abandonner les lieux de culture“, note Samuel.

Et l’avenir ? Tous le voient prometteur, mais conditionné à une chose : rester authentiques. Préserver la diversité des styles, ne pas tomber dans un humour formaté, éviter la création d’un “moule” unique comme certaines scènes parisiennes. “La notoriété doit rester une conséquence du travail, pas un objectif“, rappelle Maxime. La ville, elle, semble prête à écrire la suite. Il ne manque peut-être qu’un déclic : qu’un humoriste nantais explose nationalement et entraîne toute la scène avec lui.

Et maintenant ?

Si Nantes continue sur cette lancée, la ville pourrait bien devenir un passage obligé du stand-up en France. Reste à voir comment les prochaines générations d’humoristes s’empareront de ces lieux… et jusqu’où ils pousseront l’expérience.

Micro Comedy Club, 59 Quai de la Fosse, 44000 Nantes
Mystère Impro Club, 9 Rue Paré, 44000 Nantes
Smile Comedy Club,
24 Rue Jean Jaurès, 44000 Nantes

Corto Meunier

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