Cette année marque les 85 ans du naufrage du Lancastria, dans l’estuaire de la Loire. Coulé par les Allemands le 17 juin 1940, il s’agit de la plus grosse catastrophe maritime britannique. Michel Gautier, président et fondateur de l’association « Chemin de la Mémoire 39-45 en Pays de Retz » nous a raconté son histoire.
Ce petit paquebot transatlantique de 168 mètres est mis en service en 1922. Il appartient à la célèbre compagnie britannique Cunard Line. Il assure les paisibles liaisons entre le Vieux Continent et le Nouveau Monde.
Avec l’arrivée de la guerre en Europe, il est réquisitionné en mars 1940, pour servir au transport de troupes militaires. Face à l’avancée fulgurante des Allemands en France, le Lancastria est envoyé à Saint-Nazaire pour récupérer des soldats britanniques qui tentent de fuir en Grande-Bretagne. « Le 17 juin, il y avait alors environ 80 bateaux dans la baie de Saint-Nazaire. Ils arrivaient en groupe, escortés par des bateaux militaires. Le Lancastria était l’un d’eux », nous apprend Michel Gautier.
Quand le Lancastria jette l’ancre au matin, les allemands ne sont plus qu’à 40km de la ville. Les soldats, mais aussi des civils, embarquent à la hâte sur les bateaux. « À l’origine, le Lancastria est fait pour transporter 2 500 passagers. On a embarqué au moins 6 000 personnes. On s’est arrêté de compter à 6 500 ou 7 000 hommes », nous confie Michel Gautier. « D’autres ont continué d’embarquer, mais on ne sait pas combien. Dans le bateau, on ne pouvait même plus se déplacer », poursuit-il.
Entre 4 000 et 6 000 morts
Dans l’après-midi, alors que le convoi s’apprête à partir, l’opération d’évacuation est repérée par les allemands. Le Lancastria est pris pour cible par les avions. « Une première bombe éclate dans la cale n°2, et tue immédiatement 800 hommes de la Royal Air Force qui s’y trouvaient. Une seconde transperce la cale n°3 et inonde le bateau de mazout. Une troisième bombe tombe près de la cheminée et traverse la salle des machines. La quatrième ouvre une brèche dans la coque. À ce moment-là, déjà plus d’un millier d’hommes sont morts. »
Le transatlantique sombre en 24 minutes seulement. 2 477 personnes sont sauvées de la noyade, mais entre 4000 et 6000 autres perdent la vie. Ce le naufrage est le plus meurtrier de l’histoire de la marine britannique. « C’est le tiers des pertes britanniques en France durant la guerre. C’est un coup au moral énorme pour Churchill ». Le Premier ministre britannique préfère tenir le drame secret, pour ne pas démoraliser davantage son peuple. Il fait classer les documents secret défense. Nous ne pourrons y accéder qu’en 2040.
L’épave gît dans l’estuaire de la Loire, à 24 mètres de fond. Une bouée signale sa position. « C’est une tombe de guerre. On ne peut pas plonger dessus n’importe comment. »

Vers un devoir de mémoire
Un travail de mémoire important est réalisé autour de cette tragédie. Des associations de survivants et de mémoire locale entretiennent le souvenir des disparus. « En 2016, notre association a inauguré un panneau, à la pointe Saint-Gildas, racontant ce drame. Plus qu’une stèle, il raconte l’Histoire. » Le pays de Retz ne disposait d’aucun lieu de souvenir jusqu’alors, bien que la plupart des corps aient été repêchés sur ses plages. « Ce panneau prend un sens particulier. Avec la stèle à côté, ils constituent un véritable mémorial », conclue Michel Gautier.
Des commémorations ont lieu chaque 17 juin, à la pointe Saint-Gildas. Elles réunissent chaque année plus d’une centaine de personnes, qui honorent la mémoire des ces victimes un peu oubliées de la Seconde Guerre Mondiale.
Léo Cognée