30 ans : l’âge adulte ?

Dix ans que quinze amis se réunissent, le temps d’un week-end, dans le lieu-dit de Chantemerle, en Poitou-Charentes. Pour autant, rien ne semble avoir changé. À l’aube de leur 30 ans, se sentent-ils pleinement adultes aujourd’hui ? Pas si sûr…

Il semblerait que ce soit plutôt vers 30 ans que les jeunes se sentent adultes, comme l’atteste Jean Viard, auteur d’Un nouvel âge jeune ? Devenir adulte en société mobile (Éd. de l’Aube, 2019). Le sociologue estime que c’est à cet âge que l’on gagne en maturité, « quand ils cumulent travail plus stable et enfants ». Nous sommes allés à la rencontre de Diane qui convie chaque année depuis 10 ans maintenant, tous ses plus proches camarades. Aucun d’entre eux n’a d’enfants, les corps de métiers et vies diffèrent autant que le sentiment de se sentir adulte.

Un sentiment mitigé

Pour Juliette, expatriée à Amsterdam et travaillant pour Nike, le passage à l’âge adulte se traduit autrement. « Pour moi, c’est quand on enlève nos parents d’un piédestal et qu’on réalise qu’ils n’ont pas la vérité générale, que nos propres opinions ne suivent plus les leurs ». Autour de cette piscine, Pierre prend la parole. Pour lui cette vision évolue en même temps que notre société et semble propre à chacun. Le responsable en santé sécurité et environnement n’a « pas peur » de ce statut, « garder ses hobbies comme les jeux de rôles est plus toléré aujourd’hui alors qu’ils pouvaient être considérés comme enfantin ». Agathe, en poste chez Samsung avant de reprendre l’entreprise familiale, au contraire, trouve que les adultes ont tendance à ne plus rien découvrir, et arrêtent de s’émerveiller : cette curiosité la freine à se sentir ainsi.

« Tu peux l’être à 16 ans autant qu’à 48 ans »

Alexis, qui revient de Nouvelle-Zélande et achève son premier roman, trouve quant à lui la définition du sociologue simplifiée « Pour moi, on commence à être adulte quand on sait s’occuper de soi et subvenir à ses besoins. Tu peux l’être à 16 ans autant qu’à 48 ans en fonction de ta vie, et plein de gens de 48 ans ne le sont pas. Si être adulte c’est avoir un taffe et un gosse, je trouve ça un peu réducteur. »

Aujourd’hui en France, le premier enfant arrive en moyenne à l’âge de 29,1 ans chez les femmes. Une moyenne qui ne cesse d’augmenter depuis les années 70 (24 ans à l’époque) mais qui reste complètement dans la normes des mêmes statistiques européennes. En plus de l’allongement des études, l’INSEE souligne l’impact des questions socio-économiques politiques ou environnementales sur cet allongement mais également le fait qu’une « une mise en couple s’inscrit de moins en moins dans la perspective de fonder une famille ».


« Une majorité a une activité catégorisée CSP+, ce qui influe sur le retard ».

Diane Lemaire à Chantemerle, septembre 2025

Originaire de Nantes et initiatrice de ce rassemblement depuis une décennie, Diane Lemaire vit aujourd’hui à Paris. Dans le domaine de l’économie sociale et solidaire (ESS), et récemment rentrée d’un V.S.I en Tunisie, elle met un point d’honneur à organiser ce week-end.

ADN : Cela fait 10 ans que vous réunissez vos amis, quels sont les changements notoires ?
Diane Lemaire
 : « Professionnellement et financièrement nous sommes plus indépendants puis c’est la dynamique individuelle qui change, on commence à avoir des reconversions professionnelles, il y en a qui sont posés, d’autres viennent tout juste, comme les médecins, d’arriver au bout de leurs études : nous sommes un groupe relativement homogène de là où on part mais hétéroclite aujourd’hui. »

Considérez-vous vos amis comme « adultes » ?
DL
 : « Oui, j’ai une définition proche de celle d’Alexis ; nous subvenons tous à nos besoins et gagnons notre vie. Pour moi le vecteur « mariage et enfants » n’est pas nécessairement une raison de se sentir ainsi. »

Comment expliquez-vous votre décalage par rapport aux moyennes françaises, comme pour le premier enfant pour une femme qui est en moyenne à 29,1 ans ?
DL
 : « Nous venons tous de milieux privilégiés et avons tous eu la chance de faire des études supérieures, cela rallonge les délais et les envies. La plupart d’entre-nous venons également de grandes villes et nous y habitons : aujourd’hui une majorité a une activité catégorisée CSP+, ce qui influe sur le « retard ». Pour autant je pense que dans trois ans, nos vies auront évoluées et les schémas dits « classiques » à savoir mariage et enfants seront, je pense, beaucoup plus représentés. »


Propos recueillis par Aline Lemaire

Le Fil Info

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