Le chantier de Guédelon occupe l’emplacement d’une ancienne carrière de grès.

Guédelon, le chantier des gestes perdus

Depuis 1997, au cœur de la forêt de Treigny, le chantier de Guédelon défie le temps et stimule l’imagination : un château fictif du XIIIᵉ siècle y est érigé, pierre par pierre, en suivant des méthodes ancestrales. Chaque saison, les artisans reproduisent des gestes oubliés du Moyen Âge, sous les yeux de centaines de milliers de visiteurs.

À travers les arbres, la silhouette du château de Guédelon se dessine. Autour de lui, le village s’anime au gré des ateliers. Charpentiers, tailleurs de pierre, forgerons, potiers, meuniers, herboristes, charretières, cordiers et vannières s’activent sans machines modernes.

Transmettre le savoir

Pour les artisans, chaque journée est un cours d’histoire grandeur nature. Ils ne se contentent pas de construire. Ils apprennent, expérimentent, puis transmettent à leur tour. Entre deux coups de maillet, Tristan Robin, jeune tailleur de pierre, observe son bloc avant de reprendre son geste : « J’ai découvert le chantier il y a une dizaine d’années. J’ai commencé par venir plusieurs fois en tant que bâtisseur, et j’ai fini par me rendre compte que c’est ce que je voulais faire. »

Autour de lui, d’autres ont trouvé à Guédelon un équilibre entre passion et patience. Charlotte, teinturière depuis dix ans sur les lieux, explique : « Il y a un vrai contraste entre le confort moderne et la vie ici. Il faut créer sa routine pour tenir sur la durée. » Dans son atelier, les étoffes sèchent au vent, colorées par des pigments naturels. Chaque mélange qu’elle effectue est le fruit d’un apprentissage patient, transmis par l’observation et la pratique. « Quand je suis arrivée à Guédelon, j’étais chroniqueuse, en charge des visites guidées. Mais très vite, c’est la teinture qui m’a intéressée, avec tous ces chaudrons, ces couleurs. L’ancienne teinturière me formait tous les midis, sur mes temps de pause », sourit-elle, en se remémorant ses débuts.

Ces artisans incarnent ainsi l’esprit du chantier. Ils redonnent vie à des gestes qui, ailleurs, se perdent.

Charlotte est passionnée par son activité de teinturière, à Guédelon.

Les difficultés rencontrées

Mais cette transmission s’accompagne de contraintes. Le travail manuel est exigeant, et la présence constante du public ajoute un défi supplémentaire. Chaque année, c’est près de 300 000 visiteurs qui se pressent entre les ateliers. Ils posent des questions, sollicitent des démonstrations et photographient.

« J’aime le chantier et j’aime le travail, mais le contact avec le public n’est pas toujours simple », reconnaît Tristan Robin, « Il faut expliquer plusieurs fois les mêmes gestes tout en restant concentré sur son travail. »

Les bâtisseurs affrontent aussi les aléas des saisons. D’avril à novembre, le vent, la pluie ou la chaleur dictent leur rythme. À Guédelon, la rigueur et la patience ne sont pas des valeurs théoriques : elles s’éprouvent pierre après pierre.

Les projets du chantier

La fin de la saison 2025 arrivant à grand pas, les artisans concentrent tous leurs efforts sur la porte du château, élément central de la fortification. Ils espèrent l’achever avant la fin de l’année.

Mais l’horizon du chantier s’étend déjà au-delà des murailles.

« Un édifice religieux est en projet à l’extérieur du château », confie Florian Renucci, maître d’œuvre de Guédelon. Le projet, encore à l’état de plan, viendrait compléter la chapelle déjà présente à l’intérieur de la forteresse. Fidèle à l’organisation sociale du XIIIᵉ siècle, celle-ci serait réservée à un petit cercle de privilégiés. À l’extérieur, en revanche, un édifice religieux pourrait accueillir le plus grand nombre. Ainsi, cette construction permettra aux artisans de continuer à transmettre leur savoir, tout en immergeant les visiteurs dans la vie spirituelle et collective du Moyen Âge.

Ainsi, après 27 saisons, le château est à présent bâti aux trois quarts. « Il faudra encore une trentaine d’années, peut-être un peu plus, pour achever sa construction », estime Florian Renucci. Pour la décoration et le mobilier qui viendront habiller l’intérieur du château, il faudra compter, là, une dizaine d’années.

Pauline Le Gall

Le Fil Info

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