Florian Renucci, maître d'œuvre, au pied du château de Guédelon
Florian Renucci, maître d'œuvre, au pied du château de Guédelon (photo : Pauline LeGall)

Chantier de Guédelon : déconstruire le passé pour construire le présent

Maître d’œuvre du château de Guédelon, Florian Renucci est, avant tout, un passionné d’histoire et d’archéologie. Il nous raconte son projet de faire du château un site d’archéologie expérimentale à ciel ouvert.

Pourquoi se lancer dans un tel projet ?

Nous voulions faire de l’archéologie expérimentale, c’est-à-dire recréer les conditions de l’époque pour reproduire le plus fidèlement possible les méthodes de fabrication. Essayer de trouver des solutions avec les mêmes outils à des problèmes qu’ont rencontré nos ancêtres il y a 800 ans. Alors, on tâtonne, on essaie et réessaie : l’archéologie expérimentale, c’est “rater mieux”. Le lieu était parfait : une ancienne carrière, dans une forêt, avec de la terre argile. Tout était réuni. 

Quel est votre rôle ici en tant que maître d’œuvre ?

Moi, mon travail en tant que maître d’œuvre, c’est de ne pas faire d’erreurs anachroniques. Pour cela, quand on a ouvert le château au public en 1998, on l’a placé dans une unité de temps, une unité de lieu et une unité d’action. La date de démarrage, c’est 1229. C’est le début du règne du jeune Louis IX, dont la mère, Blanche de Castille, vient de sauver la monarchie d’un complot de barons français. Et la comtesse de la région, Mahaut de Courtenay, descendante de Louis VI, était un soutien de la couronne, et en a été récompensée. C’est ainsi qu’on a inventé une uchronie (une fiction qui repose sur la réécriture de l’Histoire, ndj) et un seigneur fictif de Guédelon, vassal de Mahaut de Courtenay. Un petit seigneur, qui se sert des produits locaux pour faire construire son propre château.

Que tirez-vous en termes d’expérience de ces 28 ans d’engagement dans ce chantier ?

On se rend compte au fur et à mesure du temps que le projet est, finalement, très moderne. Même si notre travail nous pousse à retrouver des techniques qui avaient disparu. En effet, le Moyen Âge n’en a pas gardé de trace. Il nous a fallu retrouver des savoir-faire sans outils mécaniques et électriques. Une démarche finalement dans l’air du temps, à une époque où les questions d’écologie, d’invasion du plastique et de CO2 sont essentielles.

Sont-ce ces préoccupations qui motivent les artisans à participer au chantier ?

Oui, car il répond sociologiquement à une demande de la jeune génération. On a ainsi des participants entre 20 et 35 ans, qui ont envie de retrouver du sens, et qui voient dans ses métiers des métiers d’avenir, qui ne pourront pas être remplacés par l’IA. Et en plus, à Guédelon, on s’appuie sur une redécouverte de la nature et du circuit court. On a des ouvriers qui sont partis en vacances en Bretagne, et qui, en voyant les roches des plages bretonnes, nous ont dit : “Franchement, en 2 ou 3 ans, on a ce qu’il faut pour construire un petit fort Vauban”. On a compris qu’on était capables de bâtir avec la nature qui nous entoure.

Ce savoir s’est perdu une première fois. Comment envisagez-vous de le perpétuer à présent ?

La deuxième partie du Moyen Âge, qui commence au XIe siècle, n’a rien transmis. Le partage des savoirs se faisait de maître à apprenti. On ne retrouve aucun traité. On sait que le Moyen Âge a atteint des niveaux techniques et matériels, mais sans l’expliquer. C’est ça qu’on cherche à retrouver. Nous, on a la chance d’avoir l’image. On a une banque de plus de 1000 photos, mais surtout des films, qui permettent de voir le geste. Dans l’ensemble des ateliers, on doit décrire de manière extrêmement précise le temps de travail, l’enchaînement des étapes et l’interdépendance des métiers.

Propos recueilli par Thomas Beauvineau-Pillot

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